Ophélie • How to save lives ?

Ophélie Louise Van Der Bilt

Ton histoire

J’ai 31 ans et pourtant, j’ai la douloureuse sensation de ne jamais avoir vécu. Ou plutôt d’avoir vécu sur une ligne droite, constamment, sans jamais avoir le droit de dévier. Comme si les choses étaient forcément tracées. Les choses ? C’est plutôt moi qui m’impose cette douloureuse ligne droite.

Van Der Bilt. Nom de famille plutôt connu aux Etats-Unis, plus particulièrement sur la côte est. Un nom de famille associé à une famille richissime, de la haute bourgeoisie-blanche-protestante-aux-vagues-origines-anglaises. Une famille richissime donc dont mes parents sont d’éminents chirurgiens. Elle est chirurgienne néonatal et lui, neurochirgien. Et c’est ainsi depuis plusieurs générations. La médecine donc, premier pas sur ce sentir pré-tracé.

Ophélie. Le seul enfant de ce couple de chirurgien aussi connu que leur nom de famille. La seule enfant parce qu’il en faut bien dans un couple pour faire les choses « comme il se doit ». La seule enfant parce que c’est beaucoup plus simple de gérer un enfant et une carrière. Même si la jeune femme n’a pas eu l’impression de manquer de quelque chose dans son enfance et surtout pas de l’amour de ses parents qui se débrouillaient quand même pour passer du temps avec elle, entre deux gardes, entre deux opérations, elle aurait parfois aimé grandir entourée d’enfants. Les couloirs de l’hôpital peuvent être inaccueillants à certains âges de la vie ...

La médecine. Il me semble que c’était le point de passage obligé. Fille de chirurgien•ne, j’ai embrassé la médecine dès mon plus jeune âge. D’abord, en passant une bonne partie de mon temps libre à l’hôpital. C’était un mode de garde facile pour les deux internes puis résidents qu’étaient mes parents. Puis, j’ai commencé à y venir par plaisir, pendant mon temps libre. Je m’asseyais dans les galeries pendant que mes parents opéraient : je les regardais, j’en profitais pour apprendre. J’étais hypnotisée par leurs gestes si surs, si précis, si décisifs. A 14 ans, mon père me fit entrer dans le bloc opératoire à propre dit. Cela avait ses avantages d’être la fille d’un éminent neurochirurgien. Un des ses meilleurs souvenirs ! Elle fit donc médecine, diplômée de Yale, fit son internat à l’hôpital Mont Sinaï de New York ainsi que les quatre premières années de sa résidence en chirurgie là bas.

Eté 2018. Le patient de trop. La remarque de trop. Et une envie soudaine de partir. Non pas que j’ai craqué face à la pression exigée par mon métier. Non pas que je n’ai plus envie de devenir chirurgienne. Mais plutôt la première prise de conscience que je vivais ma vie dans un moule, fait de médecine et de bourgeoisie new-yorkaise. 
Cela faisait plusieurs semaines que mon entourage à la fois familial, amical et professionnel me demandait quelle spécialité j’allais choisir. En fait, j’avais le temps. Encore un an de résidence en chirurgie avant de devoir me spécialiser. Mais tout le monde voulait savoir ce qu’allait choisir « la prodige du bistouri ». Cette question me pétrifiait. Plus que tout. Je n’avais aucune réponse à apporter à personne. Parce qu’en fait, je ne savais pas moi-même quelle spécialité choisir. Et face à ce choix décisif, je me suis demandée si vraiment je voulais devenir médecin, chirurgienne ou si c’était simplement le poids de l’histoire familiale qui pesait sur moi. Alors je suis partie. J’ai quitté l’hôpital de New-York (j’aurai peut-être dû préciser que c’était l’hôpital dans lequel exerçaient mes parents) et j’ai pris un avion. Le premier avion qui décollait de New-York.

Los Angeles. J’ai atterri ici sans trop savoir comment. Le hasard du destin, sûrement. Après quelques semaines à lire des romans sur la plage et à apprendre à surfer, j’ai compris que ce qui me manquait réellement pour être heureuse ici c’était la médecin. Alors j’ai demandé à finir ma résidence à l’hôpital de Los Angeles. Je n’avais aucun repère ici et encore moins dans l’hôpital qui ne me paraissait pas aussi familier que celui de New-York dans lequel j’avais quasiment grandi. Une colocation et quelques ami•e•s plus tard, j’ai pu enfin commencer à comprendre qui était Ophélie Van Der Bilt. Elle est plus qu’une chirurgienne obstétrique en devenir issue d’une famille bourgeoisie de la côte est. Elle est surtout une jeune femme un peu perdue, avide d’expérience et de joie, qui s’est découvert une passion pour le jogging sur la plage.

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